Si vous comprenez un minimum l’anglais et que vous ne l’avez pas déjà fait, écoutez la première saison de Serial, dont le premier épisode de la seconde saison est sorti cette semaine. C’est la meilleure chose qui arrivera à vos oreilles depuis longtemps. Ne me prenez pas au mot, croyez les cinq millions d’auditeurs, chiffre jamais entendu dans l’histoire des podcasts. Ses faits d’armes ont valu à Serial les qualificatifs de « podcast de tous les records », faisant germer des parodies jusque dans l’émission Saturday Night Live, et fait bouillir les cerveaux de nombreux internautes et journalistes, les plus sérieux dédiant quelques articles sur « Pourquoi Serial passionne-t-il autant ? » pendant que d’autres font des listes sur les 17 étapes de l’addiction au podcast.
Cette première saison suit l’enquête de la journaliste Sarah Koenig, déterminée à faire la lumière sur une histoire vieille de quinze ans : Le meurtre d’une jeune lycéenne, probablement par son ex-petit ami. « Probablement », parce qu’évidemment, les choses ne sont pas aussi simples. Ce dernier a été condamné, mais clame aujourd’hui encore son innocence. Quelles sont les preuves ou les témoignages qui ont conduit à cette condamnation, qui avait quoi à gagner… tout ceci emplit facilement plus de sept heures d’émissions qui semblent s’écouler en un clin d’oeil.
Si Serial parvient à déchainer autant les passions chez autant de monde, c’est que chacun y trouve une résonance particulière. Le goût du mystère. Les histoires d’amour et de mort. Deux versions incompatibles d’une histoire qui se racontent, dont aucune n’est pleinement convaincante, mais dont l’une des deux détient le secret sur le destin tragique d’une adolescente aimée de tous, et on pourrait savoir quelle version est la bonne si seulement on pouvait trouver le bon indice, un détail qui aurait échappé à tout le monde, juste à la portée de l’oreille.
En ce qui me concerne, si Serial accroche autant, c’est pour son coté révélateur de l’extraordinaire dans des vies ordinaires. Les personnages principaux de Serial ressemblent à des amis qu’on aurait pu avoir dans sa classe de première : la fille populaire, le type un peu louche qui deale un peu… Une histoire d’amour adolescente comme des milliers se crééent chaque jour. Et le drame qui a soudainement lieu donne une importance vitale à des moments du quotidien. Pour Adnan Syed, arrêté par la police en février 1999, il est absolument vital de se souvenir précisément de ce qui a pu se passer dans un créneau de 20 minutes un mercredi midi un mois et demi plus tôt. Sa vie en dépend. Lorsqu’Adnan vivait ces minutes en question, il se disait sans doute que sa vie était assez banale, n’avaient aucune importance particulières, alors qu’il passait les 20 minutes les plus importantes de sa putain de vie ! Que raconteriez-vous si on vous demandait aujourd’hui ce que vous faisiez à midi il y a un mois et demi, minute par minute, et que votre vie en dépendait ? Qu’est-ce que vous raconteriez dans un mois et demi sur ce que vous faites maintenant et que selon votre réponse vous pourriez vous retrouver en prison jusqu’à la fin de vos jours ?
En plus de mettre une lumière très intense sur des moments quotidiens, Serial met en musique une autre théorie que j’apprécie : les passions humaines ont un coté fractal. Peu importe à quel point on se rapproche, il y aura toujours quelque chose à raconter, pour peu que l’on sache chercher. On parle de cette histoire d’amour parce qu’elle finit horriblement mal, mais est-ce qu’on ne pourrait pas zoomer sur n’importe qui et trouver autant de passions, de déceptions, de trahisons que dans cette histoire ? Est-ce que ce couple que je connais n’a pas vécu leur rencontre intensément, bravant peut-être des interdits familiaux, est-ce qu’ils se sont déchirés un jour au point d’en pleurer et se réconcilier au point d’en pleurer également ? Est-ce qu’un de mes amis serait capable de tuer quelqu’un sous l’emprise de la passion ? Quelle proportion des gens que je connais n’est qu’à une rupture difficile de passer à l’acte ?
Toutes ces questions ne sont qu’une infime fraction de celles qui n’obtiennent pas de réponse en écoutant Serial, et cela devrait achever de vous convaincre d’essayer d’écouter la première saison. Pour ceux qui l’ont déjà fait, le premier épisode de la saison deux est disponible, et j’en parlerai très prochainement.
« Toutes ces questions ne sont qu’une infime fraction de celles qui n’obtiennent pas de réponse en écoutant Serial »
S’il y avait un bouton « share », c’est surement la phrase que j’aurai cité avec le lien de l’article 😉
Je me met à la saison 2 !
T’oh ! C’est le genre de commentaires qui me permettent de vérifier que j’ai bien mis à jour mes plugins de partage sur les réseaux sociaux. (Ce n’était pas le cas). (Les joies du webmastering moderne)