J’ai mis (très) longtemps à me pencher sur la question, mais j’ai enfin pris un peu de temps pour me renseigner sur les Bitcoins. Et le moins que je puisse dire pour le moment, c’est : quel gâchis !
Tout ce que j’en savais jusque-là c’était ce dont parlent les infos généralistes : Son taux de change qui ne semble pas s’arrêter de monter, et le fait que son aptitude à rendre les transactions anonymes l’a rendue propice pour acheter/vendre de la drogue. Ce que les médias expliquent plus rarement, mais dont on se doute lorsqu’on parle de ce genre d’expérience, c’est qu’il s’agit de l’œuvre d’idéalistes de l’open source qui rêvaient d’une monnaie « décentralisée » qui ne dépendrait pas d’une banque ou d’un état. Bref, ça partait d’une bonne intention.
Ce que je ne savais pas, c’est qu’il s’agit réellement d’une vraie tentative de création d’une monnaie pour l’ère numérique, car les Bitcoins sont programmables. Les possibilités de cette programmation sont très larges. Exemple de situation possible : vous cassez votre smartphone. Tel que l’argent fonctionne aujourd’hui, vous devez acheter un nouveau téléphone ou le faire réparer dans un magasin partenaire de votre assurance, puis envoyer votre facture à celle-ci pour qu’elle puisse vérifier que si elle vous verse de l’argent, c’est bien pour remplacer votre téléphone et pas pour une fraude à l’assurance. Cela vous prend du temps à vous et l’assurance doit payer du personnel rien que pour les vérifications.
A la place, l’assurance pourra vous faire un virement d’un montant prédéfini de Bitcoins programmés. Ces Bitcoins pourront être paramétrés pour n’être valides que dans une liste de magasins partenaires pendant une certaine période. Vous remplacez votre smartphone sans validation ou vérification manuelle puisque tout est automatisé. Le tout, sans frais de gestion sur le Bitcoin, puisque tout est automatisé et décentralisé. Ce n’est qu’un exemple, mais il existe bien d’autres possibilités, qui prendraient un blog entier si on voulait en faire la liste.
Bref, je pensais qu’il s’agissait simplement d’une bonne idée un peu rêveuse de base, et je découvre finalement qu’il s’agit d’une très très bonne idée. Je suis persuadé qu’on viendra à ce genre de monnaie… dans les décennies à venir.
Le problème avec les Bitcoins
La beauté du système du Bitcoin est son coté décentralisé : personne ne peut décider de modifier le fonctionnement des Bitcoins. Le contrecoup, c’est que si il y a un problème, personne ne peut décider de le résoudre. C’est ce qu’a découvert Mike Hearn, développeur très impliqué dans la communauté Bitcoin. Il a essayé de s’attaquer à un souci récent : le réseau commence à arriver à saturation en termes de transactions. Il a donc proposé une solution permettant d’augmenter le volume de transactions possibles sur le réseau.
Mais étant donné l’absence de régulateur, pour que cette solution soit effective, elle doit être mise en place sur tous (ou au moins une bonne partie) des éléments de la chaîne. Et c’est là que ça se complique. Car il y a bien des « noeuds » plus important dans ce système de vérification des transactions Bitcoin (ce système s’appelle « Blockchain« , terme qui apparait également de plus en plus souvent dans les médias). Et ces noeuds sont gérés à 70% par 4 entreprises domiciliées en Chine. Ce qui la fout mal quand on se veut utopie de la décentralisation.
Pourquoi autant de centralisation en Chine ? Cela vient du fait qu’il est possible d’utiliser des ressources informatiques pour « miner » (exploiter/extraire) des Bitcoins, en permettant de vérifier les transactions qui sont effectuées sur le réseau à travers une montagne de calculs.
Inutile de vous ruer tout de suite vers votre vieil ordinateur pour installer un extracteur de Bitcoins vous-même, le marché de « créer » de l’agent à partir de presque rien est évidemment très compétitif, et vous allez probablement plus gaspiller en électricité que ce que vous n’allez récolter en Bitcoins. Il existe bien des machines « optimisées » pour l’extraction de Bitcoins (qui consomment moins d’électricité par Bitcoin récupéré). Elles coûtent 500€, et nul ne dit au bout de combien de temps vous aurez un retour sur investissement.
En revanche, certains entrepreneurs ont trouvé à quel endroit ils pourraient obtenir un bon rapport électricité / puissance de calcul : En utilisant des machines optimisées à proximité d’une centrale hydro-électrique en Chine, ils génèrent donc 70% des Bitcoins mondiaux pour une fraction du coût.
Et donc Mike Hearn doit convaincre ces entrepreneurs en Chine d’implémenter sa solution si il veut pouvoir augmenter le volume de transactions Bitcoin sur le réseau. Et ils ne sont pas du tout intéressés, car cette situation leur donne évidemment beaucoup de pouvoir.
Les morales de l’histoire
Il y a de nombreuses morales à cette histoire. La première, c’est que quand on parle de gagner des sommes d’argent même faibles, il y aura toujours un petit malin qui va optimiser le système pour gagner le maximum.
La seconde c’est qu’un acteur qui récupère un peu trop de pouvoir a de bonnes chances de tout faire pour le conserver et en récupérer toujours plus, quitte à miner le système.
La troisième, c’est que même si tu veux un système décentralisé, il faut quand même une bonne méthode pour prendre les décisions. Toutes les organisations humaines doivent trouver un compromis entre centralisé (facile de prendre une décision / gros risque d’erreur / pas démocratique) et décentralisé (plus de chances qu’une bonne décision sorte / très démocratique / difficile de prendre une décision). La solution « non régulée » choisie par Bitcoin a permis à un petit groupe de personnes de peser sur l’ensemble du système mondial pour conserver leur pouvoir.
Bref, l’expérience Bitcoin ne semble pas sur de bon rails. En tant qu’idéaliste, je n’ai pas envie de me lancer là-dedans. Et en tant qu’investisseur, je n’aurais pas confiance dans un système comme celui-ci. Le cours est encore bon, mais à moins de changements radicaux dans le fonctionnement du réseau, je ne vois pas le Bitcoin réussir à s’imposer à moyen/long terme.
Mais c’est certainement une expérience dont il faudra se souvenir lorsqu’on réfléchira à mettre en place la vraie monnaie de l’ère numérique.
l’économie c’est l’échange de biens et services contre des promesses de renvoi d’ascenseur.
C’est une démarche sociale ( qui met en jeu une communauté sociale) par excellence.
L’économie en peer to peer c’est juste un contresens